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Haiti et les cyclones 6 siècles de destruction.

Haïti est située, avec la Guadeloupe, la Martinique, la République Dominicaine, Cuba et la Floride, sur un véritable boulevard géographique dans lequel s’engouffrent les cyclones qui causent de nombreux dégâts affectant l’environnement et les populations. Cette année c’est surtout le sud du pays qui a été dévasté. Rudolph Homère Victor, du journal haïtien Le National, rappelle l’historique de ces syclones dévastateurs.

L’île d’Haïti a connu au cours des six derniers siècles une forte activité cyclonique liée à sa position géographique. En effet, sa position entre 17˚ et 20˚ de latitude nord et -68˚et -75˚ de longitude ouest,  la place directement sur la trajectoire des cyclones qui se forment en début de saison au sud-ouest de la mer des Antilles et de ceux qui, d’août à octobre, traversent la Caraïbe à partir des perturbations qui prennent naissance sur l’Atlantique tropical.

Entre 1494 et 2010, ce coin de terre a été affecté par 95 systèmes tropicaux, dont 40 ouragans majeurs avec des vents maximas atteignant ou dépassant les 180 km/h et une pression centrale inférieure ou égale à 964 hectopascals. À sept reprises au moins durant les cinq derniers siècles, l’île eut à affronter plusieurs tempêtes au cours de la même saison : les 20 août et 18 septembre 1545, les 31 août et 27 septembre 1851, le 11 septembre et 6 octobre 1878, le 7 juillet et 12 septembre 1901. Exception faite du mois de juin, où il n’existe aucun cas documenté de tempête ayant affecté l’île, tous les autres mois de la saison cyclonique (juillet à novembre) ont connu leurs lots de désastre.

Les probabilités pour le pays d’être frappé durant le mois de juillet augmentent considérablement. Dix-neuf atterrissages sont en effet répertoriés entre le premier juillet 1502 et le 24 juillet 1926. L’histoire retient entre autres, le cyclone du 6 juillet 1751 sans nul doute considéré comme la pire tempête ayant frappé l’île durant le mois de juillet, déracinant des millions d’arbres, détruisant des centaines d’habitations et échouant une demi-douzaine de vaisseaux marchands français dans la baie de Port-au-Prince. Le 28 juillet 1837, un autre système apparemment affaibli après avoir causé de terribles dégâts à la Barbade, traversa l’île diagonalement provoquant de graves inondations qui emportèrent de nombreuses vies.

Toutefois, c’est à partir du mois d’août lorsque les larges et puissants ouragans du Cap vert commencent à incurver leurs trajectoires vers le nord au niveau des petites Antilles, que les risques pour l’île d’Haïti sont au maximum. Entre 1508 et 2009, au moins 28 perturbations tropicales, souvent de fortes intensités, affectèrent Haïti et semèrent le deuil et la désolation un peu partout sur l’île. À cet égard, on peut citer les ouragans du 3 août 1508, du 20 août 1545 et du 22 août 1552 qui dévastèrent la partie orientale d’Haïti et coulèrent plus d’une trentaine de bateaux marchands espagnols avec à leur bord une centaine de marins.

Un véritable cataclysme s’abattit sur l’île le 21 août 1553, une dépression intense accompagnée d’une onde de tempête de plus de trois mètres submergea à la fois Santo-Domingo et le Cap-Haitien, causant de graves dégâts, 16 bateaux espagnols en route pour Séville sombrèrent dans la rade de Santo-Domingo, quatre autres de plus petite dimension échouèrent sur les récifs. L’un d’eux était commandé par Christophe Colòn, neveu de Christophe Colomb qui apparemment n’était pas aussi bon marin que son illustre oncle. Le 14 août 1680, une autre perturbation de puissance comparable coula 25 navires de guerre français commandés par le comte d’Estre ainsi qu’une petite flottille espagnole dans le port de Santo Domingo.

Le 26 août 1724, la Nueva flotta España, forcée de prendre refuge dans la baie de Samama, fut terrassée par un terrible ouragan. Une demi-douzaine de navires sombra, tuant une centaine de marins. Le 25 août 1772, 28 bateaux français disparurent le long des côtes méridionales lors du passage d’une intense dépression. Des témoignages de l’époque font état de centaines de cadavres trouvés sur les rivages plusieurs jours après la catastrophe. La fin du XVIIIe siècle fut marquée par le passage des ouragans de 1775, 1785, et surtout de 1788 qui infligea de sérieux dommages à la fois à Santo Domingo et à Port-au-Prince où 50 bateaux français coulèrent ou furent détruits dans la rade.

Durant le XXe siècle, trois ouragans ont laissé une empreinte indélébile sur l’île : Cléo, le 24 août 1964 qui ruina l’agriculture dans le sud d’Haïti et dont l’onde de tempête tua plus de 120 personnes à Chardonnières dans le sud-ouest d’Haïti, David , le 31 août 1979, un cyclone de catégorie 5 qui emporta plus de 2 000 personnes en République voisine. Notons que le 5 août 1980, Allen, un autre cyclone de catégorie 5, le plus puissant cyclone à avoir traversé la mer des Caraïbes au cours des 164 dernières années, passa à moins de 80 km des côtes de la République d’Haïti causant plus de 440 morts et des dégâts considérables. Debby, Ernesto, Gustave en août 2000, 2006 et 2008, respectivement, constituent autant de perturbations ayant causé des pertes sur l’île.

Le mois de septembre marque le pic de la saison cyclonique et naturellement correspond à la période la plus active. Suivant les données dont nous disposons, plus d’une trentaine d’ouragans ont été répertoriés entre 1545 et 2008. Parmi les plus destructeurs, notons celui du 18 septembre 1545, celui du 9 septembre 1737 qui dévasta le nord-est de l’île, Santo Domingo fut submergé par les flots, ses rues étroites jonchées de troncs d’arbres et de débris provenant de centaines de maisons détruites. Pendant plus de quarante heures, entre le 23 et le 25 septembre 1834, un autre ouragan baptisé Padre Ruiz (du nom du prêtre catholique dont il perturba les funérailles) réduisit en miettes des milliers d’habitations, et emporta plus de 400 personnes.

1930, l’année terrible

Mais c’est en 1930 que survint le plus violent cyclone dans l’histoire d’Hispaniola. Plantations, hôpitaux, églises, habitations, rien n’échappa à sa furie et plus de 2 000 personnes périrent. Le vingtième siècle fut aussi marqué par le passage d’Eloïse, le 18 septembre 1975, Emily, le 22 septembre 1987, mais surtout d’Inez les 28 et 29 septembre 1966 un cyclone de catégorie 4 qui déversa plus de 300 mm de pluie sur le sud-est de l’île durant les premières heures du 29 résultant en de catastrophiques inondations qui emportèrent plus de 1379 personnes, la majorité d’entre elles en Haïti.

Bien que le risque diminue à partir d’octobre, une quinzaine de perturbations ont pourtant affecté l’ile au mois d’octobre entre 1495 et 2010. La première, arriva sur les côtes septentrionales au tout début d’octobre 1495 et coula sept navires espagnols qui avaient cherché refuge dans le port d’Isabella. Le 20e siècle pour sa part a été marqué par des cyclones de fin de saison qui resteront gravés dans la mémoire collective : ‘’ Jérémie’’ le 22 octobre 1935, Hazel le 12 octobre 1954 et surtout Flora, un monstre qui noya les Nippes sous 1 500  mm de pluie, tua plus de 5 000 personnes dont plus d’une centaine brulées au deuxième degré à l’effet de friction provoquée par les rafales qui, par endroits, dépassaient les 270 km/h.

Si les prévisions ne sont pas alarmistes pour la saison cyclonique en cours, nous ne devrions surtout pas oublier qu’elles ne disent pas où ni quand ces cyclones se formeront, ni surtout quels chemins elles emprunteront. N’oublions pas l’année 1963 qui n’a produit que neuf perturbations, mais l’une d’elles, Flora, allait dévaster notre territoire. Le dernier ouragan majeur à avoir affecté le pays de manière directe remonte à 1966. Nous sommes donc en sursis et cela n’est guère rassurant vu l’état actuel de notre environnement. Le séisme de 2010 pourrait peut-être souffrir de la comparaison si un autre Flora arrivait demain.

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