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Rikkat Kunt : la première femme Maître de calligraphie turque

Une enfance et adolescence d’expatriée francophone. Née le 27 avril 1903 à Beylerbeyi sur la rive asiatique d’İstanbul, Fatma Rikkat est la fille de Hüseyin Kâzım Kadri rédacteur d’un “Türk Lügati” soit un recueil de langues et dialectes turcs. Elle passe son enfance entre Istanbul, Sérres,Thessalonique et Halep suivant son père chargé officiellement de la rédaction de son ouvrage.

La petite Rikkat francophone, parlant déjà le français en famille étudiera d’ailleurs à l’école française de Beyrouth durant la première guerre mondiale. Ce n’est qu’en 1919 qu’elle rentre à Istanbul et doit alors perfectionner son turc et s’intéresser à la littérature turque, ce qu’elle fait auprès d’illustres professeurs comme Mehmet AKıf Ersoy,  le très célèbre poète turc auteur de l’hymne national de son pays “l’İstiklâl Marşı” ou « marche de l’indépendance ». Jeune fille “complète” elle apprend aussi le dessin avec Bahriyeli Ali Sami Boyar et peut-être ressent-elle ses premiers émois à la manipulation du pinceau.

Deux brefs mariages, deux beaux enfants et l’entrée aux Beaux Arts

Après un premier mariage assez court dont elle aura un fils Reşid et trois années passées en Allemagne, Rikkat épouse en seconde noces le capitaine Fahreddin Gata  pour s’en séparer également après la naissance de son second fils. Après une expérience d’expatriation d’un an à Athènes, elle effectue un retour dans la maison paternelle en 1927 à Istanbul.  Après le décès de son père, elle entre à l’académie des beaux arts avec l’aide d’un ami de la famille. Elle commence alors par des cours de “tezhip”, l’enluminure du coran avec le maître İsmail Hakkı, parallèlement à des cours de reliure de sertissage de nacre, d’ébru – le papier marbré- ce qui lui permet d’appréhender quasiment tous les arts traditionnels turcs.

Passion et entêtement dans un monde de calligraphes et d’hommes

Entêtée dans un monde d’hommes, Rikkat , se spécialise dans l’art- oh combien délicat et précis – de la calligraphie, approchant les plus grands calligraphes, avec obstination elle entend faire respecter sa personne comme son travail. C’était une décision et un entêtement double, car, si la période de la jeune République turque de Mustafa Kemal Atatürk encourageait le travail et l’émancipation des femmes, les arts dits “ islamiques “ étaient quand à eux un peu “passés de mode” et la profession menacée de disparition.

Naissance d’une grande calligraphe

En 1944, cette calligraphe termine sa thèse sur les arts turcs et est embauchée comme bibliothécaire au sein de l’Académie. En 1948 elle succède au maître, en tant qu’enseignante 4 la chaire de calligraphie, ce qui fit d‘elle la première femme professeur de calligraphie . Jusqu’à sa mort, le 14 janvier 1986, Rikkat n’a jamais laissé ses calames et pinceaux. Elle est enterrée au cimetière de Küplüce à Üsküdar auprès de son père.
En 2004, Yasmine Ghata , sa petite fille émerveillée en voyant une des œuvres de sa grand-mère dans une exposition de la collection du Musée Sakıp Sabanci à Paris, partit sur ses traces et écrivit un petit roman, La nuit des calligraphes paru chez Fayard. Ce dernier saura vous enchanter le temps d’un week-end à Istanbul.

Connue pour l’élégance toute féminine de son style, la douceur et la patience de sa manière d’enseigner  et la réputation qu’elle avait de rendre toujours son travail à heure et temps voulu font d’elle une des figures les plus précieuses de l’enseignement de la calligraphie turque. Pourtant assez modeste, elle n’était pas encline à signer ses œuvres.
Rikkat Kunt, était aussi restauratrice d’œuvres  d’art traditionnelles et repartit en 1968 pour Lisbonne où elle fut invitée pour restaurer une miniature datée de 1501 ce qu’elle fit avec majesté malgré la fatigue. L’œuvre est aujourd’hui conservée au Musée de Topkapı.

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